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Sang et eaux
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10 janvier 2009

Chute

Comme un lent somnifère, la chevelure grisonnante des roches accompagnait ma chute. Je déchiffrais les veines des falaises noueuses, où l’on avait gravé l'amer prononcé. A chaque pli saillant, me brisant, je livrais les fragments arrachés d'une écorce trop mûre. Condamné à l'abîme pour le retard d'un væu, j'en ressentais la perte comme un allégement, comme la séparation tardive d'avec des regrets trop anciens.

De bris en déchirures à l'approche des eaux, je flottais en poussière sous les souffles exhalés d'un magma triomphant. Libéré de toute âme, je me vêtais de caresses, de parfums et de flammes. Je quittais à nouveau l'épiderme des cieux. Et le sceptre blessé qui cherchait à me perdre s'en retournait, furieux d'avoir été trompé, et trompé par sa propre puissance.

Je m'entourais de vapeurs sélénites, j'aimantais de mes rires les minerais éteints, je caressais les branches embruinées.

Je voulus fixer l'arête qui portait l'empreinte de mon pied dérobé...

L'Eden avait ses princes. Et nous étions, mes frères et moi, promis au dernier cercle.

Tu m'apparus d'abord comme un lent souvenir, transparaissant entre l'autel et moi. On croyait mon regard à lui promis: il s'en détournait, s'incurvant en tes yeux. De la coupe ainsi close où mes doigts effilaient l'âge qu'il m'avait fallu atteindre pour être Toi, mes pas revenaient vers les draps émeraude de nos matins polaires. De ce site élevé, j'observais pour les ceindre tes paysages trompeurs. 

Nous étions endormis sur la grève, couronnant de calcite et de schiste tous nos rêves opacifiés. Des continents voilés, des jungles transparentes renversaient les vents, et scindaient les collines. Cet espace courbe où nous glissions nous séparait des feux. Ce fut trop pour les mages. Ils me scellèrent les yeux. Tout recula.

 

En ces lointains espaces, nul paysage n'oppose au condamné de végétation ni de mur. Son pied, que nul segment d'aurore ne vêt, s'égare et murmure qu'il est las. Alors, il se dérobe, et comme un lent somnifère, la chevelure grisonnante des roches accompagne sa chute.

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